MONICA LEITE

Monica Leite

ombre d'une femme fumant un ciquarette dans une rue pavé et sombre de Lisbonne

Photo Nuno Silva

Mes héroïnes de la nuit lisboète

Aujourd'hui, de milliers de jeunes femmes, étrangères pour la plupart, se prostituent dans la capital portugaise. De nombreux lieux de rencontre permettent aux hommes d'aller à la rencontre des prostituées.

Un samedi soir, à Lisbonne, c'est l’effervescence. Les jeunes sont dehors pour faire la fête. Dans une rue pittoresque de la ville, des hommes se ruent vers une entrée. Discrète et cachée par des arbres, cette entrée amène une mine d'or pour les hommes en recherche d'affection. Une boîte de nuit spéciale où les femmes sont toutes des prostituées. Je me lance ; je rentre. L'endroit est agréable et très coquet. Les femmes sont très belles et très grandes. J'ai l'impression d'être une enfant au royaume des Barbie. L'atmosphère est plutôt détendue et festive. La majorité des femmes présentes sont maquillées à outrance et leurs tenues sont très suggestives. Cependant, l'endroit se prête à un échange de bons procédés. Les jeunes femmes, toutes majeures en théorie, savent exactement ce qu'elles veulent. Dès qu'un homme entre, elle sentent tout de suite si elles peuvent avoir un bon prix. Une grande brune incendiaire se fait inviter à danser par un quarantenaire tellement timide que ses gestes étaient imprécis et mécaniques. La danse n'aura duré que trois minutes. Ensuite les affaites reprennent... Ici, l'homme paie son entrée, son verre, la prestation et la chambre d'hôtel. Il doit être riche sinon, il n'est pas intéressant

Dans un premier temps, je campais sur des a priori sur cette profession non conventionnelle. Les mêmes stéréotypes féministes qui me faisaient sortir de mes gonds. J'avais une image tellement dégradante de cette profession. Comme toute femme qui se respecte, j'avais envie de connaître pourquoi le plus vieux métier du monde est encore si présent. Puis, cette fameuse soirée m'a conforté sur plusieurs points :

1. La grande majorité des femmes, présentes dans cette boîte, sont free-lances. Elles travaillent uniquement pour elles et le font dans un but précis. Elles ont des projets ; reprendre le chemin de l'école ou de l'université, aider la famille dans le besoin ou encore voyager.

2. Ces femmes sont de parfaites négociatrices. Elles maîtrisent leur sujet sur le bout des doigts et n'hésitent pas à remettre certains hommes en place. Elles vendent leurs corps, certes, mais elles décident des conditions et l'homme doit suivre. L'homme n'est qu'un moyen pour elles de gagner beaucoup d'argent. En général, la nuit coûte 200 euros, mais certaines arrivent à soutirer 300 euros et d'autres avec moins de chance peuvent descendre leur prix à 100 euros.

3. En une soirée, mon image de l'homme a changé. Cet individu viril, fort et intensément protecteur est devenu un hybride, faible et sans conviction devant la beauté et l'audace des femmes.

illustration murale d'une jeune femme arborant des tatouages

Je commence à admirer ces femmes fortes et déterminées. Elles ont une grande force de caractère. Les prostituées ont plusieurs emplois ; infirmière, maîtresse, confidente, amie. Elles incarnent toutes les facettes féminines. Elles comblent la misère affective d'hommes de plus en plus isolés socialement. On ne peut pas regarder ces femmes avec dégoût. Force de constater que je ne pourrais pas faire ce qu'elles font ; cette activité détruirait mon estime de soi et ébranlerait ma sensibilité.

En Europe, il n'y a pas de politique unique en matière de prostitution. Il y a plusieurs tendances qui se distinguent - en France, on sanctionne le client et non la travailleuse du sexe. La loi prévoit une amende pouvant aller jusqu'à 1 500 euros pour les clients et jusqu'à 3 750 euros en cas de récidive. D'une manière générale, les pays d'Europe de l'Ouest suivent ce modèle initié par la Suède. La prostituée n'est pas sanctionnée et elle peut exercer librement. Les Pays-Bas, l'Espagne ou l'Allemagne, la prostitution est légale et réglementée. Les prostituées ont des couvertures sociales, des contrats de travail, les maisons closes ont pignon sur rue et le métier de maquereau est légal.

En Europe de l'Est, on a plutôt tendance à condamner la prostituée par des sanctions allant de la simple amende à des peines de prison. Il y a plusieurs pays qui interdise la prostitution ; la Roumanie, la Croatie, l'Albanie, l'île de Malte, l'Ukraine ou encore la Lituanie. Un paradoxe surprenant quand on sait que la majorité des filles des bordels d'Espagne et d'Allemagne proviennent de ces pays-là.

Néanmoins, on remarque que quoi qu'il en soit, que l'activité de prostitution soit interdite, tolérée ou régulée, cela n'empêche pas le trafic d'être humains et les demandes abusives des clients.