MONICA LEITE

Monica Leite

Photo Emre

Le PKK et la question kurde

Après avoir entendu Alexis Corbière, député France Insoumise, s'emporter contre le blocage de la page du PKK par Facebook à la demande du gouvernement et sous couvert de la loi Avia, je suis resté bête car, je ne savais pas ce que représentait le PKK, ni de quoi il s'agissait. Présentation...

Fondé en 1978, lors d'un congrès à Fis, dans la province de Lice, en Turquie, le PKK (Partiya Karkerên Kurdistan) est une organisation politique kurde. Armée et originalement marxiste-léniniste, cette organisation souhaite l'obtention de droits linguistiques, culturels et politiques de la population kurde.

Éléments historiques

À la fin de la Première Guerre Mondiale, le traité de Sevran, signé par les Alliés (France, Italie, Royaume-Uni, Grèce), annonce la création d'un État indépendant kurde ; le Kurdistan. Au même moment, Mustafa Kemal, qui deviendra Atatürk, prend la tête d'un gouvernement dissident du sultan en place, aux élans nationalistes. Kemal refuse le traité de Sevran et arrive à la négociation d'un deuxième traité, le traité de Lausanne – plus avantageux pour la république de Turquie, après les évènements connus sous le nom de "guerre d'indépendance de la Turquie" de 1919 à 1923. Le traité de Lausanne annule la création du Kurdistan.

Désormais, les Kurdes n'ont plus de pays aux frontières définies. En Turquie, le nouveau gouvernement kémaliste en place va renier la culture kurde, jusqu'à demander aux populations kurdes de ne plus parler leur langue en public.

Les luttes du PKK

Le Kurdistan est un territoire qui s'étend sur 4 pays ; la Turquie, l'Iran, l'Irak et la Syrie. Selon l'Institut Kurde de Paris, la population kurde est estimée à 45 millions de personnes dont 1,5 million dans le monde. C'est en Turquie où la population kurde est la plus dense (environ 20 millions de personnes).

Depuis 1975, le PKK revendiquait la création d'un état kurde. D'après certaines sources, dès 1978, l'organisation essayait de s'implanter par les élections municipales en soutenant certains candidats. Puis, dans le même temps, une trentaine de militants armés étaient prêt pour lancer une guérilla contre les "féodaux", c'est-à-dire à affronter les tribus kurdes considérées comme fidèles au régime turc.

De nombreux actes terroristes et de guérilla ont été effectués par le PKK contre le gouvernement d'Ankara. Par exemple, l'attentat-suicide d'une militante du PKK, Zeynep Kınacı, dans la ville de Dersîm, le 30 juin 1996, qui deviendra un exemple héroïsme et de don de soi. Huit soldats turcs sont tués, 33 sont blessés. La dernière révolte lancée dans les années 1990 par le PKK a été sévèrement réprimée par l’armée turque. En 1999, Abdullah Öcalan, le fondateur historique du parti, est arrêté au Kenya par les services secrets turcs, américains et israéliens (la Turquie étant le premier pays musulman à reconnaître l'Israël). Öcalan est depuis incarcéré sur l’île-prison d’Imrali, nord-ouest de la Turquie.

Aujourd'hui, Murat Karayilan, nouveau leader du parti, souhaite apaiser les esprits et lutter pacifiquement. Depuis 2006, une trêve unilatérale a été décrétée avec Ankara. Désormais, le PKK a abandonné les revendications séparatistes et souhaite une plus grande autonomie culturelle et politique. Au fil des années, en Turquie, la population kurde a gagné de nombreux combats : plus de représentants au parlement turc, tolérance de la langue kurde en campagne électorale, volonté de développement de la région kurde au sud-est de la Turquie qui souffre d’une économie bien moins vaillante que le reste du pays. Cependant, malgré la demande d'apaisement, Erdogan a déclaré le PKK comme "ennemi intérieur de la Turquie" et a rompu les relations.

Photo Agreen

intérieure d'un pub irlandais sans client, décor tout en bois

Photo Aranprime

Le PKK et le reste du monde

Reconnu comme organisation terroriste dans plusieurs pays comme le Canada, le Royaume-Uni ou la Nouvelle-Zélande, le statut du PKK reste encore à définir pour certains pays et devient un enjeu géopolitique. Alors que Donald Trump déclarait en 2019 que "le PKK, qui fait partie des Kurdes, est probablement pire en matière de terrorisme et une plus grande menace terroriste en bien des aspects que Daesh", le démocrate Joe Biden a une approche plus nuancée. Même si les États-Unis considèrent toujours le PKK comme une organisation terroriste, les derniers combats gagnés de l'organisation contre Daesh pourront peut-être changer la donne. De plus, les États-Unis ont décidé de soutenir les kurdes de Syrie (YPG) - soutien historique du PKK - qui combat le régime de Bachar el-Assad.

Du côté de l'Union européenne, les avis sont mitigés. Depuis 2002, le PKK est officiellement inscrit sur la liste des organisations terroristes au même titre qu'Al-Qaeda. Cependant, le 28 janvier 2020, une décision historique de la Cour de cassation de Bruxelles ne considère plus, le Parti des Travailleurs Kurde comme organisation terroriste. En effet, cette décision pourrait changer le statut du parti. Afin de calmer les tensions provoquées par cette annonce, notamment en Turquie, Philippe Goffin, le ministre de la Justice belge, précisait que : " la Cour de cassation est l’expression du pouvoir judiciaire, strictement indépendant du pouvoir exécutif, et doit être entendu de la sorte par tous les acteurs impliqués. […] Cette décision n’indique donc, en aucune façon, que le PKK ne peut plus être poursuivi en Belgique […] La position de la Belgique est sans équivoque : le PKK est une organisation terroriste ».

En 2018, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) avait déjà exprimé que le PKK avait été listé comme une organisation terroriste, de manière illégale, par le Conseil européen entre 2014 et 2017, car Bruxelles n'avait pas avancé de raisons valables. L'élan de sympathie envers la communauté kurde de la part de la majorité des gauches européennes et le refroidissement des relations avec la Turquie pourraient changer la position de l'Union européenne sur le PKK.